3°- LES METAUX DANS LE CHEVEU :

INCORPORATION METHODES UTILISATIONS VALIDITE

Début A- Mécanismes d'incorporation :

Les éléments-traces comme le Plomb (Pb), le Cadmium (Cd), le Sélénium (Se) ou le Mercure (Hg) ont deux origines, une origine interne et une origine externe (fig1). Les éléments d'origine interne sont apportés en partie par le plasma, la lymphe et les liquides qui constituent "le milieu métabolique". Ils sont incorporés dans la matrice bulbaire en même temps que les autres composants de la tige. Les groupements sulfhydriques ( - SH ) des protéines constitutives du cheveu (kératine) apparaissent comme des sites cibles pour la fixation des métaux. En effet, la fonction thiol faiblement acide est extrêmement réactive ; elle forme des mercaptides lorsqu'elle est exposée à des traces de métaux lourds, par exemple le mercure, selon la réaction suivante :


D'autres éléments d'origine interne provenant des liquides interstitiels par diffusion ou par transfert actif à travers les cellules épithéliales sont incorporés à la périphérie du bulbe pilaire.

grand format La seconde fraction d'éléments-traces correspond aux éléments d'origine externe. Ils sont incorporés à la tige pilaire lorsque celle-ci perd son activité métabolique et se kératinise. Cette fraction résulte de toutes les contaminations ou agressions subies par le cheveu et n'est donc pas vraiment indicatrice de l'imprégnation de l'organisme en toxiques.
Selon leur provenance, ces contaminants peuvent être divisés en deux catégories : les contaminants de nature biologique produits par les sécrétions cutanées (sébum, sueur) ou apportés par la peau (cellules épithéliales) et les contaminants de l'environnement (traitements cosmétologiques, pollution atmosphérique ).[2,3]

Début B- Méthodes d'extraction :

Pour utiliser la concentration en éléments-traces des cheveux comme indicateur toxicologique il faut trouver un pré-traitement qui respecte l'intégralité de la fraction d'origine interne et qui élimine la fraction d'origine externe. Les techniques d'extraction ont toutes en commun le traitement préliminaire des cheveux et la pesée des échantillons. Puis elles sont différenciées par la destruction ou non de l'échantillon.

a - Tronc commun :

Traitement préliminaire :
  • Elimination de la partie terminale des cheveux excédant 8 à 9 centimètres. Cette opération vise à éliminer la contamination exogène excessive à l'extrémité du cheveu.
  • Lavage des échantillons. Il comprend ( voir schéma en annexes) :
    1. élimination des graisses, produits d'origine cosmétologiques et particules agglomérées par un solvant organique : l'Acétone.
    2. élution des métaux adsorbés à la surface des cheveux par un détergent : une solution de triton.
    3. élimination du détergent par de l'eau bidistillée.
    4. accélération du séchage par élimination de l'eau au moyen d'Acétone.
NB: On peut accélérer la première élimination et l'élution par un passage sous ultrasons. Pesée des échantillons : méthodes classiques.

b- destruction de l'échantillon :

( Exemple de l'extraction du Pb et du Cd ) Ces méthodes nécessitent de grande quantité de prise d'essai (20 à 200 mg). Minéralisation:
  • addition d'acide nitrique pur
  • étuvage à 67°C une nuit
  • reprendre le minéralisat par un mélange de nitrate de magnésium, vanadate d'ammonium et triton
Procédure analytique :

On utilise un spectrophotomètre d'absorption atomique et la concentration de la prise dosée est déterminée par la méthode dite " des ajouts dosés" : une fois la moyenne h d'absorbance des pics de l'atomisation du minéralisat effectuée, on ajoute à ce dernier une quantité Qaj d'une solution de concentration standard de plomb ou de cadmium. On calcule alors la moyenne H d'absorbance des nouveaux pics. L'expression suivante permet de calculer la quantité Q0 de métal initialement présente dans la liqueur minérale avant ajout :

[2]

c- Extraction sans destruction de l'échantillon :

Elles comprennent les méthodes par fluorescence X, PIXE (Proton Induced X Ray Emission) et certaines activations neutroniques.[3] Le mercure et le sélénium peuvent par exemple être dosés par spectrométrie plasmatique de masse incluant un système de digestion assistée par microwave en présence d'acide nitrique.[4]

Début C- Application clinique et épidémiologique :

Tout d'abord, ces mesures traduisent le degré de pollution auquel sont exposées certaines populations.
Par exemple, une étude menée sur les enfants de Lublin a montré que les habitants des zones industrielles avaient un taux de plomb, cadmium, cuivre et zinc significativement plus élevé que ceux qui habitaient les quartiers résidentiels modernes.[5]

On peut également doser le plomb et ainsi caractériser des cas de saturnisme (taux sanguin élevé en plomb). Cette pathologie, qui provoque des symptômes tels que l'hyperactivité, l'anémie, le manque de concentration et peut même entraîner la mort, ne possède aucune thérapie curative réelle. Les seules alternatives sont le traitement par chélation et surtout la suppression de la source toxique en sensibilisant le public concerné ( peintures et tuyauteries d'immeubles construits avant 1949, gaz d'échappement, complexes industriels émetteurs de plomb...).[6]

Le dosage du cadmium peut quant à lui servir à évaluer l'exposition au tabac. En effet une cigarette contient en moyenne 1 à 2 mg de cadmium et provoque l'inhalation de 0,1 à 0,2 mg de métal. Ainsi, un fumeur de deux paquets de cigarettes par jour pendant 20 ans accumule une charge corporelle supplémentaire de 15 mg de cadmium. (On le retrouve aussi dans les piles les batteries de voiture et les crustacés).

D'autres métaux sont également dosés dans différents types d'exposition : le mercure (rejet industriel, thermomètre, amalgame dentaire), l'aluminium (ustensiles de cuisine, pansements gastriques) qui pourrait intervenir comme cofacteur dans la maladie d'Alzheimer ou encore l'arsenic (cigarettes, peinture ou laque...)

Il est à noter que ces éléments toxiques ne sont pas stoppés par la barrière utero-placentaire. On peut donc prévoir en cas d'exposition aiguë maternelle, un retard à la maturation fœtale, des anomalies congénitales ou un abrègement de la grossesse. [2]

D'autres part, ces techniques sont justifiées dans le cadre d'études épidémiologiques. On a ainsi montré des situations d'exposition au mercure extrême dans certaines populations haïtiennes liées à une alimentation riche en poisson et de forte activité d'orpaillage (extraction de l'or) [7]. Le même constat a été fait chez des paysans brésiliens dont l'analyse de cheveu a révélé des taux de mercure quinze fois supérieures à la normale. L'explication vient du fait que des centaines de milliers de chercheurs d'or ont, pendant les trente dernières années, utilisé 2000 tonnes de mercure pour séparer l'or des autres minerais, en Amazonie.[6]

Début D- Validité de ces techniques :

Le problème crucial qui entache la validité de ces techniques est que le résultat de l'analyse minérale du cheveu est influencé par l'échantillonnage, la préparation et la technique analytique. Il faut donc suivre quelques règles qui conditionnent l'exactitude des résultats :
  • les échantillons doivent être pris sur la partie occipitale du cuir chevelu (la croissance et donc l'incorporation des éléments à doser y est plus régulière)
  • le dosage doit se faire sur la partie du cheveu la plus proche du bulbe (elle reflète le taux sanguin contrairement à l'extrémité)
  • le lavage doit être le plus rapide possible et moyennement astringent (le lavage le plus adéquat étant : acétone/eau/acétone)
  • l'analyse statistique doit se faire à partir de prélèvement sur plus de 30 volontaires pour être significative. [3]
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